En ne proposant aucune version française ou italienne du dernier rapport de l’OFROU sur l’état du tunnel du Gothard, le département de la conseillère fédérale Doris Leuthard a créé un contentieux juridique grave qui à terme pourrait avoir de grandes conséquences sur la vie des Tessinois et des Romands. Dans un recours au gouvernement tessinois, j’avais signalé la nécessité de traduire ce rapport. Je suis allé jusqu’à faire appel au Tribunal fédéral pour dénoncer une votation qui ne se déroule pas dans la plus grande des transparences. Celui-ci a confirmé l’importance de ce rapport, mais pense aussi que chaque journaliste ou personne ayant droit de vote en Suisse doit connaître la langue allemande si elle souhaite s’intéresser aux votations.
C’est ce que laisse sous-entendre le résultat du recours qui fait complètement abstraction du plurilinguisme suisse en affirmant que « le rapport a été publié dès le 16 novembre 2015 sur Internet, soit trois mois avant la votation. Les citoyens et les médias y avaient ainsi accès et étaient en mesure d'évaluer la situation, de comparer les arguments et de se faire leur propre opinion sur les différentes interprétations du rapport en question ».
Mais comment des citoyens romands ou tessinois peuvent-ils se faire leur opinion sur un objet de votation si les documents officiels qui le concernent sont uniquement rédigés en allemand ? Aux yeux du Tribunal fédéral et du Conseil fédéral, les Suisses qui parlent allemand sont-ils plus suisses que ceux qui n’ont jamais appris cette langue ?
Bien entendu, je n’ai rien contre la langue allemande, mais je pense que sa valorisation au détriment des autres langues aura de lourdes conséquences sur les cantons où l’on parle uniquement le français ou l’italien. Il faut s’imaginer ce qui se passera dans un avenir proche maintenant que le Conseil fédéral et le Tribunal fédéral sont en accord sur le fait que même une information essentielle pour l’issue d’un vote peut n’être donnée qu’en allemand. Les dommages, malheureusement, seront considérables et pas uniquement limités au Tessin et à la langue italienne.
Un NON à la percée d’un deuxième tunnel au Gothard pourrait ainsi encore aider, même si cela ne redressera toutefois pas complètement la situation.
La décision du Tribunal fédéral, même si elle est totalement déconnectée de la réalité, aura des conséquences bien réelles. De ce fait, je vais entreprendre dans les prochains jours les démarches juridiques et politiques nécessaires pour que Tessinois et Romands ne restent pas officiellement des citoyens de seconde zone.
Domenico Zucchetti
Domenico Zucchetti (1960) habite à Massagno, au Tessin. Il a obtenu une license de droit à Saint Gall et dirige actuellement une société informatique de quinze personnes. Il est également conseiller communal pour Masagno Ambiente et a été, en 2015, candidat pour les Vert’libéraux au Grand Conseil.
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